Vendredi 4 décembre 2016
Welcome to Maer Achol Youssuf !
Et moment très attendu pour moi. Cet instant qui avait toujours été renvoyé pour tout plein de motifs a enfin eu lieu. Je me suis rendu cette semaine avec nos 2 travailleurs sociaux Ranajit, l'expérimenté, et son nouvel assistant Anannyo pour découvrir comment les enfants de la rue arrivaient dans notre foyer ? Où ils se rendaient et comment se passaient les rencontres ?
A chaque fois qu'ils décident de se rendre au "Field" (sur le terrain !) ils choisissent des endroits différents. Trouver des enfants de la rue, en soi n'est pas tellement compliqué, tellement il y en a. Aujourd'hui ce sera la gare de l'aéroport de Dhaka (Bimanbandar = aéroport). Un des lieux privilégiés des enfants-mendiants. Car c'est naturellement un des espaces où la foule est non seulement importante, mais surtout beaucoup de passages.
L'interdiction de traverser les voies n'a pas l'air d'avoir prise sur les gens et je me demande si le contrôleur du train vérifie vraiment tous les tickets !!!!
Pas le temps de vraiment se demander comment ça sera. Le temps d'acclimatation est très court. Trop court. Mon coeur se serre. A peine descendus du bus qui nous conduit à la gare, des enfants se joignent à nous, mendiant quelques menues monnaies. D'autres sont là depuis je ne sais pas combien de temps, nous regardant sans bouger et ayant certainement dormi à même le sol. Pour le moment la température nocturne est encore bonne (environ 16-18 degrés), mais le baromètre ne va pas dans le bon sens pour eux, car il peut faire très froid la nuit entre décembre et janvier. La vue de la misère est difficile à supporter. Je ne me sens pas très bien. Moi qui voulais tenter cette expérience dans un bidonville, pour le moment cela me suffit amplement.
Anannyo et Ranajit se séparent pour effecteur leur travail sur le terrain. J'accompagne Ranajit, car visiblement il semble particulièrement s'intéresser à un enfant. On trouve un endroit pour s'asseoir et discuter avec les enfants. Bon, moi je regarde plutôt, car l'Anglais n'est pas très utile ici ! Impossible cependant d'avoir une discussion "privée" et je me rends compte que peut-être ma présence est plus perturbante qu'autre chose. Les gens affluent de toute part, m'observant comme un extra-terrestre. Au retour d'Anannyo ce ne sont pas moins de 6 enfants qui nous entourent. Alors plutôt que de rester là à les regarder je tente quelques bribes de phrases bangla : Apnar nam ki ? Comment t'appelles-tu ? To me Kemonacho ? Comment vas-tu ? Quel âge as-tu ? Apnar boyos coto ? Ces quelques phrases ont le grand avantage d'entamer une "discussion" dans laquelle les enfants s'engouffrent et prennent du plaisir avec moi. On compte ensemble en bangla. Ils rient de mon accent, on joue avec les mains, un moment de vrai bonheur au milieu du désert.
Mais je ne m'étais pas trompé. Parmi tous ces enfants, un petit garçon intéresse particulièrement Ranajit : Youssuf. Il faut savoir que jamais ils ne se rendent sur le terrain et reviennent avec un enfant lors d'une première rencontre. Jamais avant la troisième. Toutes les discussions qui ont lieu lors de ces rencontres servent à savoir comment vit l'enfant, s'il a de la famille, pourquoi il est dans la rue, s'il est intéressé à venir au foyer, comment est le foyer, etc.
Si l'enfant vit avec ses deux parents, il ne pourra pas intégrer le foyer. Souvent ils n'ont qu'une mère incapable de subvenir aux besoins de son enfant, le père ayant simplement disparu.
Lors de leur dernière rencontre, Youssuf ne savait toujours pas ce qu'il voulait faire. Mendier n'a rien d'une honte pour eux. Juste un moyen pour s'acheter de quoi se nourrir et on recommence. Et dormir ce sera quand ils auront sommeil. Quel que soit l'endroit. Ranajit lui avait tout de même bien précisé qu'il devait en discuter avec sa mère.
Mais aujourd'hui il est prêt, décidé. Quant à sa mère, presque heureuse paraît-il.......
Dans 2 semaines, ils retourneront la voir pour lui expliquer comment est le foyer, comment se porte son fils et prendre véritablement connaissance de la situation familiale. Mais en attendant seul le présent de Youssuf compte. Il rentrera au foyer avec nous.
C'est avec le regard vif et intéressé que Youssuf entre dans son nouvel environnement. D'abord Rocky, le chien, puis Khalu le gardien, enfin, au 1er étage, une bonne partie des garçons l'accueillent avec grand sourire, "Welcome Youssuf !". Sa première douche depuis..... longtemps durera près de 10 minutes ! Il en aura même froid en sortant. Et pendant ce temps chacun veut lui donner un de ses habits en signe de bienvenue. C'est vraiment cela le foyer.
Un repas bien mérité plus tard, notre Youssuf est vraiment entré dans sa nouvelle famille. Il n'est déjà plus le même. Reste à espérer qu'il trouvera ses marques et un nouvel espoir.